Carlos Santamaría y su obra escrita
Pas de bonheur sans amour
Fêtes et saisons, 217 zk., 1967-08
Vous me questionnez sur les raisons profondes de mon bonheur dans l'Église. Evidemment ce bonheur n'existerait pas si je n'aimais pas l'Église d'un amour réel et conscient.
Sans cet amour, ma position, c'est-à -dire ce que vous appelez mon «existence publique» n'aurait pas de sens, elle ne serait qu'un mensonge permanent.
L'Église n'est pas un club sportif
Je me refuse, néanmoins, à accepter l'idée, vraiment trop sociologique, qu'on se fait souvent dans mon pays de l'amour de l'Église. En Espagne, quand vous parlez de votre amour de l'Église, si par hasard vous arrive à en parler, vous risquez d'être mal interprété. On a tendance chez nous à confondre l'amour de l'Église avec cet attachement tout à fait naturel, et souvent sectaire, qu'on peut avoir envers une société quelconque, comme par exemple un club sportif dont on est le partisan enragé.
Je pense que mon amour de l'Église ne peut pas consister en des gestes révérencieux à l'égard des évêques, ni à une fidélité absolue et naïve à l'égard de ces mêmes seigneurs. Je veux concilier mon appartenance à l'Église avec une liberté très large d'opinion et d'expression et je crois que, malgré le contexte sociologique, j'y arrive le plus souvent. Mon appartenance à l'Église non seulement n'empêche pas mes mouvements, elles les favorise.
Chez nous, l'aile marchante de l'Église joue un rôle très important dans l'évolution politique et sociale du pays. Je sens que la vraie fidélité à l'Église me place du bon côté, plus près des misérables et des dépossédés. Le Concile a renforcé la position de nous tous, qui avons lutté depuis longtemps pour une plus grande liberté religieuse et un sens social plus authentique en Espagne. C'est celui-là le travail qu'on a accompli d'une façon silencieuse et modeste aux «conversations de Saint-Sébastien», à une époque où la frontière était pratiquement une espèce de rideau idéologique, jusqu'au moment où nous avons constaté que l'objectif des rencontres avait été atteint et qu'il fallait s'employer à des nouvelles tâches.
Un besoin de communication et de solitude
Mais ce que je viens de dire n'est pas, naturellement, la cause de mon bonheur dans l'Église, car sur le terrain des faits, il y a beaucoup trop de clairs-obscurs.
La raison de mon bonheur et de ma fidélité à l'Église est plus profonde. Je trouve dans le mystère de l'Église la réponse la plus parfaite aux besoins de l'âme humaine.
Dans le mystère de l'Église, je trouve, en particulier, le plus grand respect de la personne en même temps que la plus grande sociabilité.
Je ne nie pas que l'on puisse être un homme religieux sans appartenir à une Église comme la nôtre, mais je me connais trop faible pour cela et d'ailleurs l'Église, dans son mystère, me semble resplendissante de vérité et de beauté.
J'abhorre la grégarisme et la collectivisation du spirituel, mais j'ai un besoin intarissable de communication.
Au fond, le bonheur de ma fidélité à l'Église est paradoxal. Deux causes opposées produisent un même effet; c'est parce que j'aime la solitude que j'aime l'Église; c'est parce que j'ai peur de la solitude que j'aime l'Église.
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